José Ramos, président de la FRTP Ile-de-France.
Ce qu'il faut retenir des premières assises de l’économie circulaire dans les TP
Le recours aux matériaux recyclés et réemployés dans les ouvrages de travaux publics représente un enjeu technique et environnemental. En amont, la caractérisation et la traçabilité des déchets constituent deux prérequis indispensables pour construire le modèle circulaire. En aval, les entreprises de travaux publics développent une offre de service à destination des acteurs de l’économie circulaire, maîtres d’ouvrage en tête. Pour accompagner les plateformes de recyclage et valoriser leur savoir-faire, les TP franciliens, qui viennent de lancer leur feuille de route thématique, se mobilisent en faveur de l’économie circulaire. Contrairement à d’autres régions, l’Île-de-France dispose de peu carrières. Elle a donc un réel besoin de travailler sur la gestion de ses matériaux. Le recyclage et la valorisation des matériaux sont donc autant une nécessité économique qu’une nécessité environnementale. « L’ensemble des parties prenantes a compris que l’économie circulaire pouvait être la réponse à la décarbonation de notre activité » explique José Ramos, président de la FRTP. À l’échelle de la région, l’enjeu est particulièrement important. Avec 10 milliards d’euros d’activité, soit 23% du chiffre d’affaires global des TP en France, le poids économique des TP est lourd. L’impact social l’est tout autant, quelque 70 000 salariés travaillant à plein temps dans la filière. Les TP restent un métier de proximité. Cette constante a été redécouverte lors de la crise sanitaire, qui a également permis de réaffirmer, après l’arrêt brutal des chantiers en 2020, le caractère vital des différentes spécialités de la profession. « Les TP sont au cœur du débat sur l’aménagement du territoire, souligne José Ramos. La profession est partie prenante des besoins de mobilité exprimés par nos concitoyens et qui sont particulièrement sensibles en Île-de-France ». Plus de 70% de l’activité étant générée par la commande publique, le rôle des élus au niveau des différentes collectivités territoriales (communes, communautés de communes, interco, départements et région), est déterminant. Celui des clients parapublics l’est tout autant, à l’image de la RATP, de la SNCF, la SGP, des différents concessionnaires et aménageurs. Ce sont eux les décideurs au niveau territoire qui ont la capacité d’imposer le mode d’exécution des ouvrages à réaliser. Leur pouvoir de prescription et de décision est essentiel. Ce sont eux aussi qui ont le pouvoir de valoriser auprès de leurs électeurs, les concitoyens, l’investissement dans une infrastructure moderne compatible avec les enjeux de la triple transition environnementale, écologique et énergétique.
Agir localement
Comme le rappelle José Ramos, « l’investissement local est la clé du développement économique et le moteur de l’activité de nos entreprises. Il contribue à la création de richesse dans les territoires au bénéfice de la collectivité ». Pourtant, les équipes en place et qui sont aujourd’hui arrivées à mi-mandat, ne semblent pas vouloir accélérer leurs investissements. En cause, le retour de l’inflation et l’explosion des tarifs de l’énergie. En 2022, le coût des matières premières nécessaires à la réalisation des chantiers s’est apprécié de 10 % environ. Ces dernières comptent pour 1/3 dans le prix de marché des TP. C’est donc mécaniquement 3% de pouvoir d’achat que les donneurs d’ordre ont perdu, un pourcentage supérieur à la marge des entreprises. Malgré un démarrage faible, 2023 devrait voir les volumes de travaux augmenter à l’approche des Jeux Olympiques. Quant à 2024, toutes les entreprises franciliennes seront impactées par l’évènement. L’incapacité à circuler et à approvisionner les chantiers impactera significativement l’activité. Dans un contexte économiquement tendu, il est important de rappeler le risque que représentent les délais de règlement pour la trésorerie des plus petites structures. Pour le président de la FRTP IDF, « la priorité de la profession est de diminuer les émissions de GES de 40% à l’horizon 2030. L’économie circulaire n’est plus une option. La décarbonation progressive du parc de matériel est une nécessité que seules, les entreprises de TP, ne peuvent gérer. La capacité des constructeurs d’engins de chantier à fournir des solutions permettant d’accélérer la transition environnementale est essentielle ». Agir en faveur de la transition environnementale c’est donc travailler et construire différemment. Cela suppose de proposer des infrastructures à faible impact carbone et de réaliser des ouvrages qui participent à rendre les ouvrages plus résilients face au réchauffement climatique. La formation et la qualification sur les enjeux environnementaux sont une nécessité. La mise en place de l’Académie des métiers des Travaux Publics, Conexcience, qui coordonne et met en œuvre le cursus en formation initiale et continue constitue un acquis. À la croisée de l’économie, la transition écologique et la formation, l’économie circulaire constitue un réel défi pour la profession. C’est aussi un enjeu structurant pour les TP.
L’Île-de-France à l’avant-garde
À l’échelle de la région francilienne, la problématique revêt une importance particulière. L’enjeu des déchets traités dans la région, avec 75% des volumes en provenance des chantiers. L’objectif fixé à l’horizon 2025, est ambitieux : il s’agit de valoriser 75% des volumes. Un autre enjeu, et non des moindres, réside dans les approvisionnements des chantiers. Dans ce domaine, l’ambition est de multiplier par deux le réemploi des matériaux issus du réemploi et du recyclage, dans une logique d’économie circulaire. L’atteinte de ces objectifs commande, dès à présent, de mieux tracer les déchets de chantier, mais aussi d’affiner le maillage des exutoires partout sur le territoire francilien. Enfin, la réduction à la source des déchets de chantier doit également être traitée efficacement. Dans ce cadre, la Région finance la feuille de route de la Fédération Régionale des Travaux Publics, pour la mise en œuvre de cette économie circulaire. L’intégration de ces enjeux environnementaux dans le cadre de la finalisation du Schéma Directeur de la Région Île-de-France (SDRIF-E), prévoit des réserves foncières dédiées à l’économie circulaire. Un prérequis pour toute action qui suppose également une bonne coordination entre toutes les parties prenantes. Le partage des connaissances, l’information et la formation des différents acteurs de cette économie circulaire, aux premiers rangs desquels figurent les entreprises de TP.
L’Ademe Île-de-France en appui
Ces dernières ne sont pas seules dans cette démarche. À leur côté, l’agence de la transition écologique joue son rôle de soutien en apportant toute son expertise dans le domaine. Il s’agit d’accompagner à la fois la transformation des offres mais aussi de la demande en matière d’économie circulaire, qu’il s’agisse de l’écoconception ou des usages favorables au réemploi. Concrètement, c’est 10 millions d’aides aux projets soutenant la transformation et le passage à l’action de la filière « Construction », au cours des deux dernières années. L’économie de ressources, l’épuisement des carrières et la qualité des sols ou encore la question de la souveraineté du territoire constituent la clé de voûte de l’établissement de cette politique publique en faveur de l’économie circulaire à l’échelle de la région. Au regard de la qualité des déchets à traiter, l’action doit être amplifiée. Au-delà du simple respect de la réglementation de la part des maîtres d’ouvrage, il faut inciter tous les acteurs -collectivités, maîtres d’œuvre, bureaux d’études et entreprises, à dépasser les objectifs de recyclage et de réemploi. Ce passage à l’action accéléra l’essor de l’économie circulaire sur l’ensemble des champs de la transition écologique dans les TP.
L’ingénierie publique mobilisée
Aux côtés de l’Ademe IDF, le Cerema joue un rôle majeur. L’opérateur d’ingénierie publique de la transition écologique et de l’adaptation des territoires au changement climatique est là pour outiller les différents acteurs des méthodes, des connaissances et des outils dont ils peuvent avoir besoin. Parce que les collectivités territoriales sont des acteurs majeurs de l’économie circulaire, en particulier dans le domaine des infrastructures, la gouvernance du centre a récemment été modifiée afin de faciliter la feuille de route. Les trois principaux axes d’intervention s’articulent autour de la R & D, au sein du laboratoire régional sur les matériaux recyclés, des publications, comme le Guide du Recyclage publié en 2021 et les missions d’expertise au sein de l’écosystème.
Les recycleurs à la manœuvre
Dans le recyclage, les TP ont cela de particulier, c’est que la filière est totalement intégrée dans les entreprises. Cela, pour le compte de leurs clients. Depuis l’identification des déchets et jusqu’à leur remise à disposition des chantiers, en passant par leur enlèvement, leur transport sur des plateformes de transformation, les entreprises gèrent l’ensemble du process. Face à cette situation, il est essentiel d’être reconnu, à l’échelle régionale - ces actions s’inscrivant, par définition dans des circuits courts, dans sa maîtrise du traitement et dans l’expertise des entreprises. En formalisant la démarche sous la « marque » lles Recycleurs des Travaux Publics, la profession s’organise. Tous les entrepreneurs qui interviennent dans ce domaine à l’échelle d’un bassin économique et qui maîtrisent les contraintes physiques des matériaux, les exigences environnementales et juridiques, se retrouvent sous une marque unique. À ce titre, l’Île-de-France fait figure de pionnière. Déjà, la plupart les plateformes de recyclage sont recensées sur la base du volontariat. Au préalable, le site a été audité afin de s’assurer qu’il répondait bien à l’ensemble des exigences demandées. De plus, un programme de formation est proposé par la Profession, , à l’adresse des dirigeants d’entreprises, des responsables de plateformes et des opérateurs de plateformes. Une professionnalisation nécessaire à un métier qui doit se structurer au regard des enjeux, et de son essor attendu à court et long termes.
Trois questions à José Ramos, président de la FRTP Île-de-France
Pourquoi avoir organisé cette première ?
L’objectif est double. Il s’agit, d’une part, de mettre autour de la table les donneurs d’ordres, les entreprises et tous les institutionnels nationaux et régionaux pour échanger et, d’autre part, de valoriser la marque « Recycleurs des Travaux Publics », qui doit être connue de tous les acteurs de la filière en Île-de-France. Il est important de donner confiance aux maîtres d’ouvrage pour qu’ils passent à l’action. Un autre objectif est de valoriser l’image de nos entreprises et l’attractivité des travaux publics auprès des jeunes. Il faut qu’ils soient conscients de la réalité des pratiques d’aujourd’hui dans le cadre d’une nouvelle philosophie. Nos entreprises ont pris conscience de la problématique que représentent les déchets de chantiers du potentiel de réemploi de ces derniers.
Quels sont les principaux freins à lever ?
L’important est de prendre conscience de l’économie circulaire au sein de nos entreprises. Cela représente un changement fondamental dans nos pratiques quotidiennes. Nos entreprises ont acquis une capacité à réutiliser les déchets de chantiers de manière saine. L’un des freins réside dans la confiance des donneurs d’ordre. À nous de leur apporter toutes les garanties nécessaires en cas de recyclage de cette ressource, dans le cadre d’une approche vertueuse.
Le contexte régional constitue-t-il un avantage à la mise en œuvre de cette économie circulaire ?
C’est certain même si nous ne pouvons pas occulter la disponibilité du foncier, qui reste un sujet. Pour autant, la région, qui est déficitaire en matériaux neufs, produit 25 millions de tonnes de déchets de chantier chaque année. Elle bénéficie d’une densité qui favorise les circuits courts de réemploi. En outre, cela permet d’agir rapidement sur la décarbonation de nos activités, dans le cadre d’une démarche mature depuis plus de 10 ans en Île-de-France.