Le tunnelier Sofia poinçonne Serge Gainsbourg

Le 16 juillet dernier, la machine chargée de creuser une portion du prolongement de la ligne 11 du métro francilien a fini sa course dans une station baptisée en l'honneur de l'artiste, aux Lilas, en Seine-Saint-Denis.

Juliette, Petula, Françoise, France, Annie, Brigitte, Bonnie, Jane, Melody, Marilou, Caroline, Catherine, Isabelle, Charlotte, Vanessa… Mais pas de Sofia dans la vie ou les chansons de Serge Gainsbourg. En revanche, trente ans après la mort du chansonnier, sa station en a rencontré une. C’était au Lilas, Seine-Saint-Denis, le 16 juillet 2021. Le rendez-vous a fait bang, comme le vélo de Miss Nelson contre le capot de la Rolls. Serge Gainsbourg en a perdu un morceau de paroi moulé. Séduire un tunnelier de 106 mètres pour 1 450 tonnes n’est pas sans risque.

La drôle de croisière de Sofia est désormais terminée. Cet engin à pression de boue, baptisée en l’honneur de Sofia Amalou, agent animatrice de la RATP sur la ligne 11 du métro francilien, avait commencé son voyage quinze mois plus tôt depuis l’enceinte de la future station La Dhuys à cheval entre les communes de Montreuil et Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. La machine de marque Herrenknecht, munie de son bouclier de 9,25 m de diamètre, avait pour mission de creuser trois kilomètres de tunnel. La RATP et Île-de-France Mobilité, maîtres d’ouvrage, avaient confié ce lot GC01 au groupement Alliance (voir fiche technique), composé pour la partie génie civil de NGE (mandataire), Demathieu Bard, Implenia et Pizzarotti.

Prêt pour les rails

Cet ouvrage est un élément de l’extension de la ligne 11. Cette dernière vise à relier le terminus actuel, Mairie des Lilas, à la gare de Rosny-Bois-Perrier, situé à Rosny-sous-Bois, plus à l’est de la capitale. Le nouveau tronçon comprendra six kilomètres de voies, six nouvelles stations et un atelier de maintenance. Le budget total de l’opération se monte à 1,3 milliard d’euros. Le génie civil des trois autres kilomètres est aussi terminé. Ils comportent notamment un tunnel de 250 m entre Mairie des Lilas et Serge Gainsbourg, réalisée selon la méthode traditionnelle, et un viaduc au niveau de la station Coteaux Beauclair, à la limite entre Rosny-sous-Bois et Noisy-le-Sec.

RATP
Le tracé du prolongement de la ligne 11.

Propulsée par onze moteurs électriques de 350 kW, Sofia a progressé au rythme 14 m par jour. Aux commandes, quatre pilotes différents se relayaient. L’engin a excavé 200 000 m³ de terre, semé 12 796 voussoirs et traversé l’emplacement de deux stations, Montreuil-Hôpital à Montreuil et Place Carnot à Romainville. Non sans quelques difficultés : « Le site de descente était déjà très spécifique avec un puits de seulement 36 m de diamètre, résume Sébastien Trarieux, responsable du projet de la RATP. Nous avons parcouru des argiles vertes, puis nous sommes passés en janvier dernier sous l’autoroute A3 avec seulement 8 m de d’écart entre la voie et le tunnel. »

Modèles féminins

Aux incertitudes du sol s’ajoutaient les contraintes de la surface. « Le milieu est très urbanisé », rappelle Frédérique Gouy, directrice du prolongement de la ligne 11 pour NGE. Entre autres exemples de mesures prises pour limiter les nuisances, deux auvents de bâches acoustiques peuvent recouvrir la fouille de la station Serge Gainsbourg pour absorber le bruit. La directrice espère par ailleurs que ce succès pourra contribuer à la renommée du métier du BTP chez les jeunes femmes. « C’est aussi une femme, Hélène Pruvost, qui pilote le tunnelier aujourd’hui. »

Sofia va maintenant jouer les filles de l’air. Le portique électrique, destiné à la manutention de ses composants, est déjà en place au-dessus du puits. Herrenknecht a prévu d’en réemployer un certain nombre. « Nous devrions terminer le démontage fin septembre, alors que normalement cette tâche nécessite quatre mois, remarque Sébastien Trarieux. Les équipes de la voie ferrée commenceront en 2022. » La mise en service du tronçon est prévu pour 2023.