Jérôme Boudier, directeur général de Ramery
Diversification des métiers et expansion géographique vont de pair chez Ramery. Cinq grandes orientations stratégiques elles-mêmes interconnectées pour répondre aux enjeux de décarbonation et de révolution industrielle à venir dans le monde de la construction, constituent le cadre dans lequel le groupe régional inscrit son développement. La feuille de route telle qu’elle a été définie est, évidemment, en lien avec les valeurs du groupe fondé en 1972 et sa stratégie de croissance. « Nous sommes à la croisée de plusieurs sujets qui sont tout à la fois des enjeux sociétaux, environnementaux mais aussi économiques et techniques qui nous amènent à avoir une réflexion globale sur la décarbonation, explique Jérôme Boudier. L’ensemble des métiers de la construction au sens large, c’est-à-dire au niveau des infrastructures et des superstructures, n’ont pas encore connu leur révolution industrielle. Ils sont certes, à l’orée de cette révolution industrielle, mais ce sont les seuls métiers au monde à ne l’avoir toujours pas fait ». En cause, une filière traditionnellement normée de façon séquencée qui a fait que les gains de productivité ont été faits à l’intérieur des différents silos (maître d’ouvrage, maître d’œuvre, assistance à maîtrise d’ouvrage, entreprise, ….). « Longtemps, nous avons fait de l’optimisation à l’intérieur de ces différentes briques. Compte tenu des enjeux qui ont émergé, comme la décarbonation, le réemploi ou l’obligation de performance énergétique et environnementale des constructions, il va falloir revoir la chaîne de valeur dans son intégralité. Il va donc falloir apprendre à réfléchir de manière beaucoup plus systémique pour avoir des gains globaux qui vont se faire à l’échelle complète de la chaîne de valeur, ajoute Jérôme Boudier. C’est ce qui va transformer le système ».
Diversification
Dans cette perspective, de nouveaux métiers vont voir le jour au sein de groupe qui entend se positionner sur l’ingénierie-conseil et les énergies renouvelables, avec le statut de producteur et de distributeur. Certaines activités ont vocation à être exercées « régionalement », plus des deux tiers du chiffre d’affaires étant généré dans les Hauts-de-France, d’autres ayant une dimension nationale. Comme le souligne le dirigeant, « il est évident que dans le domaine des énergies renouvelables, Ramery, il faut raisonner à l’échelle de l’hexagone, notamment si l’on veut travailler à la décarbonation des territoires sur lesquels nous sommes déjà implantés ou ceux sur lesquels nous voulons être présents ». La croissance externe est un des leviers sur lequel il sera possible d’agir. La mise en œuvre de cette vision est permise par la capacité financière du groupe, son portefeuille diversifié ainsi que des fondamentaux économiques solides qui vont permettre aux banques de financer ces projets de croissance capitalistiques. En aucun cas, elle ne remet en cause l’indépendance de l’entreprise qui entend rester contrôlée par des capitaux familiaux. En tout état de cause, la décarbonation au sens générique constitue à la fois un accélérateur d’activité et un facteur de différentiation par rapport à la concurrence. Trois domaines ont été identifiés comme permettant d’affirmer la singularité de l’offre : le recyclage et le réemploi des matériaux, les produits présentant une empreinte carbone, en particulier dans le domaine des liants hydrocarbonés, et les matériels de chantier « décarbonés ».
Grands projets
Dans le viseur, les grands projets d’infrastructure sur lesquels le groupe régional veut se positionner. Après une année 2023 « raisonnablement satisfaisante » dans le domaine des TP, soit 20 % du chiffre d’affaires, Ramery anticipe une année 2024 « de transition » avant une montée en puissance en 2025 autour du canal Seine-Nord-Europe (CSNE). Ce projet hors norme, revêt deux sujets distincts :
-les travaux réalisés sous maîtrise d’ouvrage de la société du CSNE, pour lesquels Ramery intervient déjà en qualité de sous-traitant déclaré du groupement d’entreprises dont est Bouygues TP est le mandataire,
-les opérations associées au canal placées sous maîtrises d’ouvrage diverses et sur lesquelles l’entreprise se positionne seule, grâce à ses différentes entités territoriales. Grands travaux et travaux d’agences plus classiques, le groupe ne s’interdit rien. Il en est de même pour les investissements. Du godet malaxeur recycleur aux installations industrielles en passant pas le parc d’engins de chantier, le groupe dispose des capacités d’achats conformes à ses besoins. « Même si nous nous dirigeons de plus en plus vers la location longue durée pour les véhicules industriels, les utilitaires légers et les voitures de nos collaborateurs, nous souhaitons continuer à être propriétaire de notre parc pour tous les matériels stratégiques et différenciants, souligne Jérôme Boudier. Les matériels de terrassement, les ateliers de traitement de sol, ainsi que les centrales d’enrobage et de recyclage ont vocation à être détenus en propre ». L’ensemble des acquisitions est soumis à une analyse poussée, à partir d’une logique de coût total de possession. Si la sensibilité prix ne peut pas être occultée, les coûts de maintenance associés, les niveaux de productivité sont scrutés méthodiquement. Sur une base de renouvellement, et de plus en plus fléchée vers des engins à faible empreinte carbone, y compris ceux fonctionnant avec des biocarburants, la dotation 2024 s’élève à 10 millions d’euros environ. « Nous ne procéderons à du renouvellement qu’en intégrant les enjeux de décarbonation, atteste Jérôme Boudier. Après réflexion, nous avons considéré que la solution hydrogène n’était pas encore mature. A contrario, les motorisations électriques sont validées pour les petits engins de chantier ».